Acquérir et retenir du vocabulaire

Posted by Speakeasy News > Tuesday 25 May 2021 > Pedagogy


Il est indéniable que, bien souvent, l’autonomie langagière et la capacité à communiquer se mesurent davantage à l’étendue et à la richesse du lexique qu’à la correction grammaticale même si cela peut sembler contre-intuitif dans un pays où les progressions pédagogiques en cours de langue ont longtemps été déterminées par « les points de grammaire » à faire acquérir.

Il est donc crucial de donner la place qui leur revient à l’introduction, à la compréhension, à l’utilisation intensive et à la mémorisation organisée et raisonnée du lexique. Les retombées pédagogiques en sont nombreuses et extrêmement positives. En effet, consolider la maîtrise et l’étendue du lexique permet, entre autre, de renforcer la confiance en soi car les élèves s’émancipent de la solution de repli qui consiste à dépendre des compétences du professeur ou des camarades (What’s the English for…?) et ils comblent ainsi le fossé entre le vouloir dire et le pouvoir dire qui condamne parfois de jeunes adultes en devenir à s’exprimer comme des enfants par manque de moyens langagiers, ce qui est souvent source de frustration. Par ailleurs, le travail systématique du lexique ne permet pas seulement d’améliorer les compétences de production mais la compréhension s’en trouve également facilitée, tant à l’écrit qu’à l’oral, pour peu que l’on insiste sur la réalisation phonétique des éléments lexicaux travaillés car l’orthographe est souvent très éloignée de la prononciation en anglais.

Toutefois, voici quelques points de vigilance :

- Lors des phases de présentation et d’introduction du lexique, il est essentiel de s’assurer que le mot mais également le concept sont compris et visualisés (au départ, par le biais d’images, de dessins, de mime, de gestes, puis plus tard, de reformulations, d’explicitations, de périphrases, d’exemples, etc.) ;

- La mémorisation ne doit pas porter sur un trop grand nombre d’éléments à chaque séance car le cerveau n’est pas capable de mémoriser plus d’une dizaine d’éléments à la fois ;

- La mémorisation demande une pratique en contexte et intensive. Il faudra réutiliser un même élément lexical plus d’une dizaine de fois pour s’en souvenir ;

- Pour une mémorisation à long terme, les élèves doivent être familiarisés avec des façons diverses (qu’ils exploreront alternativement) et personnelles d’organiser les nouveautés lexicales : spidergrams, cartes heuristiques, tableaux, graphic organizers, etc.). Une chose est sûre, c’est que la forme de la liste alphabétique n’est pas la plus efficace pour la mémoire. Celle-ci a besoin de trouver du sens dans l’organisation des acquis lexicaux, on priorisera donc la mise en réseaux par champs sémantiques, catégories, notions, contextes de découverte, associations d’idées, collocations, etc. ;

Devenir utilisateur indépendant
Le passage consacré à l’étendue du vocabulaire dans le chapitre « Échelles des descripteurs du CECRL »[1] montre que le passage du niveau A2 (utilisateur élémentaire) au niveau B1 (utilisateur indépendant) se fait en partie, pour cette compétence, sur la maîtrise d’un « vocabulaire suffisant pour s’exprimer à l’aide de périphrases sur la plupart des sujets relatifs à sa vie quotidienne ». L’on comprend ainsi qu’il ne suffit pas uniquement de viser l’objectif d’augmenter à l’infini les outils lexicaux mis à disposition des élèves, mais qu’il s’agit aussi de leur donner les moyens de faire ce que nous faisons tous les jours dans notre langue maternelle lorsque nous ne connaissons ou ne nous souvenons pas de tel ou tel mot, à savoir contourner le manque par la maîtrise des stratégies suivantes :

  • périphrases à partir de la famille à laquelle appartient tel mot spécialisé (outil, oiseau, véhicule, etc.) ;
  • descriptions approximatives (it looks like…; it’s about this big (+ geste) and… ; it’s a square object the size of… ; etc.) ;
  • définitions ou contexte (it’s a utensil that you use in the kitchen when…).

De cette façon, les élèves comprennent que parler une langue ne s’apparente pas à la connaissance extensive de liste de mots mais plutôt à la capacité à faire passer le message quel que soit le moyen ;

Vocabulaire de production
Le vocabulaire travaillé en classe ne doit pas se limiter au lexique dont les élèves auront besoin pour comprendre les documents étudiés (vocabulaire de reconnaissance). Il convient d’enrichir aussi quotidiennement le vocabulaire de production qui permet de rendre compte, de synthétiser, d’analyser, de formuler une appréciation, une opinion, une réaction mais aussi le lexique qui donne la possibilité d’éviter le recours au français dans les activités de classe (lexique de l’échange en classe entière, de l’accord et du désaccord, de l’auto- ou de l’inter-correction, du travail de groupes, de la négociation de sens[2], etc.). Ce vocabulaire, essentiel à l’autonomie langagière des élèves doit faire l’objet d’un travail systématique.

En dehors des activités de classes habituelles a cours desquels on introduit de outils lexicaux, voici quelques idées d’activités spécifiques, dont les roues numériques présentées dans l’article « La mémorisation en présentiel en langues vivantes grâce aux roues numériques ».

  • Élection du mot préféré du jour, de la semaine ou du projet en justifiant son choix ;
  • Exercices de mots croisés ou de mots mêlés;
  • Jeu du dictionnaire: on choisit au hasard un mot inconnu dans le dictionnaire, on fabrique des définitions, on présente les définitions « fausses » et la vraie et il faut deviner laquelle est la vraie ;
  • En fin de projet, les élèves, individuellement ou par groupes, exposent le mot qui représente le mieux la thématique travaillée et expliquent leur choix ;
  • En fin de cours (exit card) ou en début (entry card), les élèves notent les mots de la séance du jour ou de la veille dont ils se souviennent. Il est possible de préciser ou de restreindre en donnant des contraintes (3 adjectives to describe a person, 2 verbs linked to sports, etc.) ;
  • The category game: le professeur choisit une catégorie (thèmes récemment travaillés, par exemple) et débute une chaîne, le premier élève devant donner un mot qui appartient à la catégorie. Lorsqu’on élève « sèche », il doit se lever et le professeur change alors de catégorie et poursuit avec l’élève suivant. L’élève debout aura sa chance avec la nouvelle catégorie mais au tour suivant, etc. ;
  • Tous les jeux de word chains: le premier élève donne un mot (on peut imposer la thématique pour réviser en fin de projet, par exemple), le suivant donne un mot associé et ainsi de suite. Il est possible de noter les mots au tableau au fur et à mesure puis de demander aux élèves de les mémoriser. On efface ensuite tous les mots et on demande de se souvenir d’un mot et de celui qui lui était associé.

[1] CECRL, Volume complémentaire avec de nouveaux descripteurs, 2018, p. 138.

[2] Voir à ce sujet la compétence de médiation dans le CECRL, Volume complémentaire avec de nouveaux descripteurs, 2018, p. 106 et suivantes.


Auteur(s) :

Ruth Alimi est IA-IPR dans l'académie de Paris, et conseillère pédagogique de Speakeasy News.