Entraîner à l’expression écrite

Posted by Speakeasy News > Thursday 02 March 2017 > Pedagogy

On sait que de nombreux élèves de collège rencontrent des difficultés pour s’exprimer à l’écrit, que ce soit en français ou en langue étrangère. Plutôt que de faire l’impasse sur cette activité au prétexte qu’elle les découragerait, comment bâtir une stratégie pour accompagner et encourager la construction d’une compétence clé ?


L’écrit qui, à l’école primaire, constitue principalement un point d’appui des activités orales, devient au collège une capacité à construire pour permettre aux élèves d’élaborer des stratégies de lecture et d’écriture sans lesquelles ils ne pourront que difficilement accéder à terme au plaisir de lire et d’écrire en anglais. 

Si la mise au point de la trace écrite pendant le cours peut être considérée comme une amorce d’entraînement à l’expression écrite, elle est plus proche de la langue orale que de la langue écrite, puisqu’elle est en réalité une transcription de productions orales. Elle comporte par exemple un nombre restreint de propositions subordonnées ou de connecteurs de sens. Son apprentissage permet néanmoins la mémorisation de modèles qui représentent une aide non  négligeable pour l’écriture.

Programmes et pratiques
En fin de cycle 3 et en début de cycle 4, la pratique de l’expression écrite est développée par des travaux courts et fréquents, le plus souvent effectués en classe avec l’aide du professeur et / ou de camarades plus performants. Les moyens linguistiques nécessaires à une expression correcte sont fournis au cours des activités qui précèdent la phase d’écriture, et il est souvent utile de faire avec les élèves un bilan des moyens dont ils disposent avant de commencer à écrire, en veillant à ne pas inhiber la créativité par un souci trop rigide de correction formelle.

En 4ème et en 3ème, la production écrite fait l’objet d’un entraînement régulier, dans le cadre du projet pédagogique. Si l’élève peut toujours s’appuyer sur les stratégies développées en production orale,  il doit aussi apprendre à utiliser les outils nécessaires pour écrire, corriger et modifier sa production.

Niveau minimum visé à la fin de la 6ème :
Niveau A1: Peut écrire des expressions et phrases simples isolées.

Attendus en fin de collège :

Niveau A2 : Peut écrire une série d’expressions et de phrases simples reliées par des connecteurs simples tels que « et », « mais » et « parce que ».

Niveau B1 : Peut écrire un énoncé simple et bref sur des sujets familiers ou déjà connus.

Après avoir surtout pratiqué la narration et la description, à un niveau modeste, on développe progressivement l’apprentissage de l’explication et de l’argumentation.

La narration : au cycle 3 et en début de cycle 4 l’élève apprend essentiellement à rapporter des événements afin que celui qui écoute puisse en percevoir le déroulement. Au cycle 4, on attend de lui qu’il puisse relater en détail des événements réels ou fictifs en structurant davantage son discours et en exprimant plus finement ses réactions.

La description : au cycle 4 le niveau élémentaire de l’énumération est dépassé. L’accent est mis sur la qualification en utilisant des moyens stylistiques comme la comparaison.

L’explication : elle requiert des aptitudes à la reformulation dans le but d’analyser et de faire comprendre, ainsi qu’à l’expression de la cause, de la conséquence, du but, de la concession.

L’argumentation : elle implique le recours à des productions visant à convaincre, et sous-entend l’existence de plusieurs avis possibles.

L’interaction écrite (lettres, emails, SMS par exemple) diffère de l’interaction orale par le temps donné au récepteur du message pour se l’approprier, surtout d’ailleurs en ce qui concerne la correspondance traditionnelle puisque les échanges numériques ressemblent souvent à l’interaction orale ; les caractéristiques de la langue écrite se rapprochent alors de celles de la langue orale.

Exemples de tâches de production écrite fournis par les repères de progressivité (programmes 2016) :

Niveau A1
Copier, écrire sous la dictée. Écrire un message simple, rédiger un texte guidé sur soi-même, des personnages imaginaires, où ils vivent, ce qu’ils font. Produire de façon autonome quelques phrases. Indiquer quelques renseignements personnels en répondant à un questionnaire simple.

Niveau A2
Remplir une fiche de renseignements. Écrire un message simple. Écrire un court récit, des biographies imaginaires et des poèmes courts et simples. Écrire une courte description d’un évènement, d’activités passées et d’expériences personnelles. Écrire de brèves notes simples en rapport avec des besoins immédiats.

 Niveau B1
Reformuler. Prendre des notes / les mettre en forme. Rédiger en réaction à un message ou à une situation vécue. Écrire une histoire. Rendre compte. Résumer. Écrire des notes et lettres personnelles pour demander ou transmettre des informations d’intérêt immédiat et faire comprendre les points considérés comme importants.

Développer la compétence discursive
La capacité à organiser phrases et textes relève de la compétence discursive, qui est l’une des composantes de la compétence pragmatique. Elle implique la connaissance de la manière dont sont organisés les messages (description, narration, argumentation, essai, article de journal, lettre…). Développement thématique, cohérence et cohésion en illustrent certains aspects. L’enseignement se réduit encore trop souvent au développement des compétences linguistiques (grammaticale, lexicale, phonologique, orthographique), alors que l’approche actionnelle nous amène à appliquer l’usage de la langue à des tâches concrètes, susceptibles d’être réalisées en-dehors de l’école.

Construire l’entraînement
On voit bien que pour être capables de produire tel ou tel type de message les élèves ont besoin d’avoir étudié des textes répondant aux caractéristiques de ces messages. Toutefois, il est essentiel que ces caractéristiques soient perçues de façon consciente et explicite pour que les élèves soient en mesure, le moment venu, de les appliquer dans leurs propres productions. En effet, l’écriture d’après modèle, l’imitation, l’écriture à la façon de… sont des exercices souvent méprisés et peu utilisés dans l’entraînement aux compétences écrites alors qu’ils font partie des pratiques courantes dans les pays anglo-saxons. Cela peut également donner l’occasion, par l’observation d’écrits authentiques ou de productions d’élèves réussies, de réfléchir collectivement aux critères de réussite qui serviront de base aux élèves pour réussir à leur tour.

Les élèves ont aussi besoin d’entrer progressivement dans l’écriture, en réalisant d’abord des activités guidées par des prompts, comme c’est le cas pour cette consigne :

Write a recap of what you have understood so far :  I knew that… but I wasn’t sure of… / I wanted to know if / when / how many / why… I learned that… so now I know … but  I’d like to discover more about …

Les cartes heuristiques (mindmaps) peuvent servir de point de départ à une écriture organisée.  Cette technique, souvent appliquée à la compréhension de l’écrit, est transférable à la production écrite. Apprendre à classer régulièrement le lexique par thèmes au fur et à mesure de l’avancée dans les apprentissages, sous forme de cartes heuristiques ou sous d’autres formes (tableaux, dessins…), permet de retrouver plus facilement les mots pour s’exprimer et d’éviter autant que faire se peut les calques du français. Si besoin on peut permettre le recours au cahier, qui garde des traces des outils méthodologiques et linguistiques travaillés en classe. Les difficultés d’ordre formel (grammaticales, lexicales) peuvent également être en partie résolues en faisant appel à des ressources diverses (professeur, pairs, ressources numériques).

Avant de s’engager dans l’écriture, il convient de définir les objectifs de ce que l’on écrit : décrire, amuser, convaincre, donner un mode d’emploi simple et clair, narrer, suggérer… En fin de cycle 4, une amorce de réflexion sur les figures de style peut s’avérer nécessaire (personification, metaphor, understatement, irony…), à condition de ne pas devenir un cours magistral.

Un exemple d’entraînement régulier et construit :
En 4ème ou en 3ème, l’écriture d’un journal de bord (logbook) pendant un trimestre ou une année engage les élèves dans une tâche d’écriture suivie qui leur permet de mesurer leurs progrès. Le professeur peut par exemple proposer un thème par quinzaine, permettre une expression libre une semaine, en consacrant  régulièrement un temps de cours à cette activité. Les journaux sont annotés de temps en temps, en évitant les surcharges rouges qui découragent sans donner d’objectifs de progression. Un choix raisonné de points à améliorer, venant après une valorisation des éléments positifs, s’avère plus efficace.

Une activité langagière à évaluer
Comme toutes les activités langagières enseignées, l’expression écrite fait l’objet d’une évaluation distincte, fondée sur les descripteurs du CECRL pour le niveau visé. Parmi les critères on peut citer le degré de réalisation de la tâche, la cohérence et la lisibilité, la richesse de la langue, sa correction.

Conclusion
On sait que de nombreux élèves de collège rencontrent des difficultés pour s’exprimer à l’écrit, que ce soit en français ou en langue étrangère. Plutôt que de faire l’impasse sur cette activité au prétexte qu’elle les découragerait, il nous faut trouver des situations motivantes et variées et nous efforcer de donner à tous les outils dont ils ont besoin pour progresser.

 

 


Auteur(s) :

Marie-Christine Delsinne est enseignante, formatrice et auteure.