Projet du souvenir: les champs de bataille de la Première guerre mondiale

Posted by Speakeasy News > Friday 02 September 2016 > Pedagogy

Les rapprochements disciplinaires encouragés par la mise en oeuvre des EPI ont déjà été explorés par le passé dans divers projets dont nous proposons une déclinaison dans le présent article.

 Le projet proposé, qui s’est effectué dans le cadre d’une classe de 3ème, peut s’inscrire dans les thématiques EPI suivantes : Information, communication, citoyenneté ou Langues et cultures étrangères, et permet une ouverture vers le programme d’histoire (première guerre mondiale).


Les commémorations actuelles du centenaire de la première guerre mondiale sont une occasion parfaite pour construire des séquences mêlant histoire et culture.

Le projet Remembrance, destiné aux 3èmes, organisé avec la collaboration d’un collègue en histoire et en partenariat avec un établissement européen, permet aux élèves de deux pays de communiquer régulièrement tout au long de l’année scolaire autour d’un thème fédérateur. Il s’agit de se demander comment le souvenir des victimes des deux guerres est entretenu et sous quelles formes la transmission du souvenir est assurée de génération en génération.

La bataille de la Somme a été une des pires boucheries de la première guerre mondiale. En 1916, trois millions de soldats de différentes nationalités se sont battus dans la région, dont une majorité de soldats britanniques et du Commonwealth. Il est possible d’organiser une sortie scolaire d’un jour pour découvrir les champs de bataille de la Somme : une matinée consacrée à la visite de l’Historial, le musée de la Grande Guerre à Péronne, et un après-midi au circuit du souvenir.

Avant la visite
Une séance est consacrée aux repères historiques nécessaires au préalable. La classe, qui a étudié la guerre de 14-18 en histoire, peut facilement retracer les événements précédant le 1er juillet 1916 à partir d’un document sonore en anglais téléchargeable. On peut également exploiter la vidéo disponible sur le site history.com. On localise sur une carte les lieux visités. On organise ensuite la visite du musée : on forme plusieurs groupes de 5 élèves chargés d’enquêter en autonomie sur un thème précis correspondant à un espace particulier de l'Historial (la mobilisation en Grande-Bretagne et en France, le rôle des femmes, la propagande, l’engagement britannique ou l’entrée des USA dans la guerre). On peut s’appuyer sur les nombreuses ressources pédagogiques créées par le service éducatif de l’Historial, rédigées en anglais et téléchargeables.

Le musée de la Grande Guerre
Péronne est une petite ville paisible de la Somme, à 100km de Paris. Elle fut occupée par les Allemands pendant presque la totalité de la guerre. Un château médiéval du 13e siècle, qui a lui-même souffert de la violence des combats, accueille l’Historial de la Grande Guerre. Une large collection d’objets y est exposée : des uniformes, des éléments d’artilleries, des accessoires confectionnés par les soldats patientant dans les tranchées et tout objet qui permet aux visiteurs de se représenter la vie quotidienne des soldats.

De nombreuses pièces du musée permettent également de voir les efforts colossaux effectués par les trois principaux pays belligérants en matière d’industrialisation et de propagande. La vie quotidienne des civils allemands, britanniques et français est ranimée grâce à une série de documents, dont une partie est en anglais : lettres, photos, cartes postales, affiches de propagande ou journaux. Pour compléter la visite, le musée propose des documentaires et des films qui décrivent aux visiteurs les conditions de vie des soldats dans les tranchées et derrière les fronts.

Le circuit du souvenir
Le circuit du souvenir démarre à Péronne ou à Albert. Ce circuit de 60km fait le tour des champs de bataille de la Somme où, de juillet à novembre 1916, les forces alliées ont fait face à de lourdes pertes.

Le circuit ne prend qu’une demi-journée. La visite guidée fait apparaitre aux yeux des visiteurs les cicatrices de la première guerre mondiale : tranchées, cratères d’obus, champs de bataille et mémoriaux liés à l’histoire des pays anglophones. A chaque étape, les guides les aident à relever les traces qu’ont laissées les combats.

En partant d’Albert, la première étape est le Lochnagar Crater, à côté du village de La Boisselle. Ce trou géant, de 100m de profondeur et de 300m de diamètre, est dû à l’explosion d’une mine britannique sous une position allemande, le 1er juillet 1916, aux prémices de la bataille de la Somme. Le site, aujourd’hui lieu de mémoire, est dominé par une grande croix en bois dédiée à ceux qui se sont battus et qui sont morts durant cette bataille.

La deuxième étape du circuit est Thiepval, théâtre tragique de la guerre. C’est là que l’armée britannique a vécu parmi les pires heures de son histoire. Dès le premier jour, 20 000 soldats britanniques ont été tués. Chaque famille britannique a perdu un proche ou une connaissance à Thiepval. Sur les colonnes du mémorial ont été gravés les noms de plus de 70 000 soldats britanniques et sud-africains tombés pendant la bataille et dont les corps n’ont jamais été retrouvés. Ce mémorial est l’un des plus imposants des mémoriaux britanniques au monde. Derrière lui, se trouve un cimetière commémorant les 2,5 millions de soldats français et britanniques décédés luttant « côte à côte », comme dit la Croix du Sacrifice qui trône au bout de l’allée centrale, en face du mémorial. Les stèles des soldats inconnus britanniques portent l’inscription « known unto God » tandis que les tombes françaises arborent un sobre « inconnu ».

Après la visite de l’Ulster Tower, le circuit se termine face au mémorial terre-neuvien à Beaumont-Hamel, dominé par une statue de caribou. A ses pieds, trois plaques de bronze sont gravées aux noms des soldats du régiment royal de Terre-Neuve. Le sommet de la butte du mémorial est un lieu idéal pour contempler le champ de bataille, soigneusement conservé, où 800 soldats canadiens ont perdu la mort en une quinzaine de minutes le 1er juillet 1916. Les élèves peuvent circuler dans les tranchées et revivre mentalement les scènes de bataille.

Exploitation de la visite du musée
De retour en classe, une phase d’échange est nécessaire car la visite du circuit du souvenir est très émouvante. Au cours de la visite, les élèves comprennent mieux l‘horreur du quotidien des soldats et perçoivent l’épouvante des combats à travers les récits du guide.

La deuxième activité consiste à restituer ce qui a été découvert dans le musée. Le déficit d’information favorise les échanges entre les groupes. Deux séances sont nécessaires pour effectuer la mise en commun.

Il est également possible d’étudier, lors d’une quatrième séance, des affiches de propagande présentées au musée ou d’exploiter les affiches britanniques de recrutement publiées en 1914, destinées à inciter les civils à s’engager. Le musée présente également plusieurs Liberty bond posters, incitant la population à souscrire à des emprunts publics pour financer l’effort de guerre et quelques affiches appelant les femmes à se mobiliser.

Exploitation du circuit du souvenir
Les séances suivantes sont consacrées à l’étude de trois lieux de mémoire découverts au cours du circuit du souvenir. A partir d’une projection des photos que les élèves ont prises, on peut lancer l’activité : Do you have a good memory? Les élèves s’interrogent mutuellement et mettent en commun les informations recueillies lors des interventions du guide sur chacun des lieux visités. On aboutit à des productions telles que How old was the youngest soldier? Why is the poppy a symbol of Remembrance? Puis chaque élève prépare pour son correspondant une production orale en continu. A partir des photos qu’il a prises, il décrit brièvement le lieu qui l’a le plus touché et fait part de ses impressions. Les prestations sont enregistrées en classe et envoyées à la classe partenaire.

Pour terminer, la classe prolonge sa réflexion sur le souvenir et la mémoire à l’aide des photographies des paysages picards et des lieux du souvenir visités. Les élèves réalisent des dessins ou des collages, destinés à la classe partenaire, et les associent à l’écriture de textes rédigés en anglais, afin d’exprimer leur ressenti de manière créative.

Ce projet culturel est particulièrement bénéfique pour les élèves : il permet de donner du sens à l’apprentissage de la langue et il favorise une approche sensible des conflits, tout en conduisant les élèves à prendre conscience que la paix est un héritage précieux mais fragile qu’il nous faut préserver.


Auteur(s) :

Patricia Poisson enseigne à la Cité scolaire Lavoisier (Paris) et forme également des enseignants.