Group Work: Jigsaw Method

Posted by Speakeasy News > Thursday 20 September 2018 > Pedagogy


Le travail en groupes en classe de langue : pour quoi  faire … et comment faire ?

La lecture du Socle commun de connaissances, de compétences et de culture, rédigé en 2015, est éclairante, tout particulièrement la rubrique consacrée à la Coopération et réalisation de projets (Domaine 2, Les méthodes et outils pour apprendre), que l'on enseigne au collège ou au lycée.

Nous y lisons que "L'élève travaille en équipe, partage des tâches, s'engage dans un dialogue constructif, accepte la contradiction tout en défendant son point de vue, fait preuve de diplomatie, négocie et recherche un consensus."

Tout enseignant voit le potentiel extraordinaire de cette affirmation en classe de langue, au-delà même du développement de compétences indispensables pour vivre harmonieusement en société : "défendre un point de vue", "négocier", "rechercher un consensus",  sont des actes de parole (cf Marc Gemmerlé*)   qui permettent une communication authentique en langue étrangère.

Souvent, au gré des échanges avec les collègues, la même question - fondamentale ! - émerge autour du travail en groupes :

Travailler en groupes ? Oui, mais comment faire pour que tout le monde travaille ?!

Cette question est au centre de nos pratiques en classe de langues. Nous avons tous vécu des situations où un élève - souvent le plus compétent dans l'activité langagière visée -  se retrouve à accomplir la tâche quasiment seul pendant que les autres membres du groupe se reposent sur lui.

Bien entendu, il n'y a pas de recette miracle pour remédier à cela. Cependant, la recherche pédagogique a permis de mettre au jour certaines "clés" qui nous aident, en tant qu'enseignants, à obtenir une meilleure mise au travail de tous.

Une mise au travail… individuelle
En premier lieu, tout travail de groupe se doit de commencer par une mise au travail … individuelle ! Cela peut sembler paradoxal, mais le principe même du travail en groupe est que chacun apporte sa pierre à l'édifice, de façon à ce que chacun "gagne" en travaillant à plusieurs plutôt que seul. C'est la base de l'approche Think, Pair, Share.

Des "missions" précises
En second lieu, chaque élève doit avoir une mission précise, quelque chose à accomplir spécifiquement au sein du groupe. Cette mission peut être définie grâce à des cartes de rôles (Speaker, Secretary, Word Searcher …)  De façon à ce que tous nos élèves puissent développer leurs compétences de façon équilibrée, il est nécessaire que nous veillions à ce que les élèves ne choisissent pas toujours les mêmes rôles. En effet, on constate rapidement que sans régulation, certains élèves se retrouvent cantonnés - ou se cantonnent eux-mêmes - dans des tâches avec de moindres enjeux cognitifs, comme Word Searcher, par exemple. Il est aussi nécessaire de bien expliquer aux élèves que travailler en groupe implique une responsabilité collective. Par exemple, le Speaker n'est que le porte-parole de son groupe. En cas de difficultés d'expression, par exemple, il bénéficiera de l'aide de ses partenaires. Nous sommes bien là dans l'apprentissage du travail d'équipe, préconisé par le  Socle commun de connaissances, de compétences et de culture.SN_jigsaw_int

Le Jigsaw: qu'est-ce que c'est ?
La mission peut également consister à travailler sur des supports variés. En ce cas, la méthode du Jigsaw  donne souvent de bons résultats, au collège comme au lycée.

Dans un premier temps, les élèves travaillent -seuls ! - sur un support différent (par exemple 4 biographies pour un groupe de 4). Ils lisent le texte et recueillent de premières informations.

Puis, vient le temps des "Experts" où les élèves se déplacent pour former de nouveaux groupes. Par exemple, 4 élèves ayant travaillé sur la biographie n°1 se réunissent et comparent les informations collectées. Ils doivent donc  "défendre leur point de vue", "négocier" quand les autres ont trouvé d'autres informations, "rechercher un consensus". Les idées et arguments s'échangent.  Les retours au texte pour justifier sa position sont nombreux, dans un véritable positionnement de l'élève en tant que lecteur-chercheur.

Les élèves, pendant cette phase "Experts", prennent de l'assurance car ils ne sont pas seuls devant l'obstacle à franchir. Ils quitteront leur groupe d'experts renforcés par ce travail en équipe.

Vient alors le dernier temps du Jigsaw. Les élèves travaillent de nouveau dans le groupe initial (le home group). Ils ont pour mission de communiquer les informations qu'ils ont recueillies aux trois autres élèves de leur groupe. Par exemple, un élève ayant travaillé seul puis en groupe d'experts sur la biographie n°2 a pour mission de transmettre les informations collectées aux trois autres élèves de son groupe.

A l'issue de l'activité, tous les élèves maîtrisent l'ensemble des informations principales contenues dans les 4 textes. Le travail en groupes permet à la fois une mise en activité simultanée de tous les élèves et une démultiplication de l'exposition des élèves à la langue et à la culture : maîtriser les informations liées à 4 personnages enrichit davantage que maîtriser les informations en lien avec un seul.

Le Jigsaw, plus globalement, responsabilise et rassure. On voit des élèves habituellement peu engagés se prendre au jeu de l'apprentissage, proposer leurs idées au sein du groupe, puis intervenir dans la mise en commun des informations qui suit ce dispositif.

Une variante du Jigsaw
J'ai expérimenté récemment en classe de 1ere L (LELE) une variante du Jigsaw : The Literary Circle, inspirée par une vidéo du Teaching Channel.

Les élèves ont travaillé sur le même texte dans leur Home group (en l'occurrence, j'ai proposé la lecture de la première partie de The Tell-Tale Heart dans le cadre d'une séquence sur le gothique). Ils ont ensuite choisi un rôle : Summarizer, Word Searcher, Illustrator, Discussion Director, les groupes d'experts se formant autour de ces rôles dans la phase 2 du Jigsaw.

Chaque élève s'est investi dans sa mission. Mes 32 élèves de 1ère L ont dialogué, convaincu, contredit, argumenté, interrogé en langue cible, que ce soit dans les deux phases  d'entraînement ou dans la phase d'enregistrement du Literary Circle.

Et le bruit ?
Parfois, des collègues me demandent si je ne suis pas gênée par le bruit lors de ces activités. Là aussi, c'est une vraie question. Le bruit peut impacter négativement nos cours, lorsqu'il gêne la concentration et n'est pas ou peu tourné vers les apprentissages. Cependant, ici, avec le Jigsaw, nous sommes résolument dans un "bon bruit", le bruit de nos élèves qui parlent en langue étrangère !

* « Les actes de parole », Marc GEMMERLÉ

 


Auteur(s) :

Evelyne Ledru-Germain est enseignante au Collège Hippolyte Rémy et au Lycée Jules Ferry (Coulommiers), ainsi que formatrice académique (Créteil).


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