Enseignante d’anglais à différents niveaux, Sophie Martinez s’est heurtée aux difficultés inhérentes à l’enseignement des langues : niveau très hétérogène des élèves, difficulté à donner la parole à tous, lacunes récurrentes d’année en année… Forte de ce constat, elle a commencé à créer en 2009 un outil destiné à multiplier les prises de paroles des élèves tout en leur permettant de (re)mettre en place les bases de construction de la langue anglaise. Cette mallette a été testée et améliorée au fil du temps et a permis à sa créatrice de remporter un prix d’innovation pédagogique en 2014. Sophie Martinez nous a accordé une interview sur son parcours.
Il y a 13 ans, quelles ont été vos expériences de jeune professeure vacataire ?
J’avais des classes en collège et en lycée général, ainsi qu’un groupe d’élèves Bac pro qui devait partir en Irlande deux mois plus tard pour travailler dans des boutiques pendant leur stage professionnel. J’avais également un groupe d’apprenants adultes en formation professionnelle à l’université Toulouse Le Mirail. Quinze adultes avec 15 métiers différents.
Ma formation d’enseignante m’incitait à aider mes élèves à devenir autonomes dans l’utilisation de la langue. Mais dans la pratique, les élèves avaient du mal à mettre du lien, à faire sens. Et ils étaient particulièrement bloqués sur l’expression orale. Ils avaient peur de parler, de faire des erreurs.
Pourquoi c’est par le jeu que vous avez essayé de les aider ?
Par le jeu, on sollicite la participation active des élèves et cela les motive. Ça marche aussi bien pour des élèves qui ont déjà un bon niveau que pour des débutants ou des élèves en difficulté. Le professeur a une meilleure expérience en classe dans l’approche de pédagogie active.
D’autre part, faire travailler les élèves par petits groupes avec le jeu résout un problème récurrent : avec une classe de 30, voire 40 élèves, il n’y a pas ou trop peu la possibilité de parler anglais pour chaque élève d’une classe, ou de faire parler tous les élèves d’une classe. Il est essentiel de trouver un moyen de faire parler les élèves en anglais entre eux pour augmenter le temps de parole et de pratique.
Avec ce type d’enseignement, on change les rôles en classe. L’enseignant doit oser laisser la place à l’élève et lui permettre d'être actif, avec une grande dose de créativité et de liberté pour la pratique de l’expression orale immédiate en anglais. L’enseignant est là pour accompagner les apprenants qui vont s'approprier un outil ludique où tout le monde construit ensemble.
Comment mettez-vous en place une séance de jeu ?
L’important est de bien guider les élèves au démarrage, en expliquant les règles du jeu selon les consignes et choix de travaux du professeur en lien ses objectifs. Ensuite, les élèves travaillent dans leurs groupes et l’enseignant fournit de l’aide quand ils en ont besoin. Si on travaille régulièrement avec la mallette, les élèves s’habituent et on peut démarrer rapidement l’activité. Ils prennent l’habitude de s’exprimer en anglais et avec de plus en plus de fluidité et d’aisance.
Il n’y a plus la peur de parler, la peur du jugement, des fautes ni les blocages. Tous les élèves se retrouvent tout naturellement « pris au jeu » de parler anglais.
Les réactions des élèves sont-elles positives ?
Oui, ils sont souvent étonnés de ce qu’ils sont capables de faire. Beaucoup de l’enseignement passe par le visuel et l’écrit. Quand on demande aux élèves de passer à l’oral c’est un peu comme quand on propose d’enlever les petites roues d’un vélo. Ils disent : « Mais je vais tomber ! »
Par exemple, avec le jeu Once Upon a Time, au premier tour les élèves doivent dire une phrase à partir d’un mot que chacun pioche et qu’ils ont préalablement mémorisé en début de séance. L’élève suivant continue l’histoire avec un nouveau mot. A la fin du tour, chacun répète sa phrase. Ils continuent de même et ainsi de suite à chaque tour, puis ils doivent à chaque fin de tour de table répéter chacun toujours dans le même tour les phrases qu’ils ont inventées. Souvent, quand on explique la façon de jouer, ils disent « Mais on ne se rappellera pas ». Mais la mémoire de situation se met en place et ils sont agréablement surpris de voir qu’ils y arrivent et que ça fonctionne !
Et les réactions d’autres enseignants ?
Beaucoup d’enseignants ont testé la mallette-jeu d’anglais Still English et m’ont fait part de leurs expériences. Pendant l’année scolaire 2018, la mallette que j'avais créée a été l’objet d’un projet pilote dans l’académie de Toulouse. Trois établissements ont participé au projet : un collège, un collège-lycée et un CFA, et les tests ont eu des échos très positifs.
Au collège Hubertine Auclert de Toulouse, le jeu a été utilisé dans une classe de 4e, pendant des horaires d’accompagnement personnalisé. Les élèves ont travaillé autour du thème de la séquence traitée en classe entière : L’Irlande et ses paysages de cinéma. En ilots de quatre, les élèves ont été amenés à décrire des paysages, raconter un scénario de film de leur choix, raconter leurs sentiments en découvrant des paysages utilisés dans les films, imaginer une histoire ou un scénario… Dans sa conclusion au projet pilote, leur enseignante a noté, « Observer des élèves mutiques, ayant jusque-là un véritable blocage lors de la prise spontanée de parole, parvenir à s’exprimer librement est un constat évident de l’efficacité de la méthode. De plus, pour les élèves plus à l’aise, la possibilité de leur associer des challenges plus poussés, permet aussi d’observer des progrès indéniables. »
La mallette Still English est aujourd’hui éditée par les Editions Nathan. Pour en savoir plus.
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