Deuxième volet d’une série de trois articles sur la construction des compétences orales chez les élèves.
Force est de constater que le recours massif, tout au long de la scolarisation et dans de nombreuses matières, à une pratique de classe que l’on appelle souvent « cours dialogué » fondé sur un échange de questions-réponses entre l’enseignant et un seul élève à chaque fois, n’est guère propice au développement progressif de la capacité à produire un « discours », au sens linguistique du terme, à savoir « Le langage mis en action et assumé par le sujet parlant » ou « Tout énoncé supérieur à la phrase, considéré du point de vue des règles d’enchaînement des suites de phrases » (dictionnaire Larousse en ligne).
Il faut donc distinguer ici la capacité à répondre à des questions, souvent destinées à vérifier la compréhension de documents, et la capacité à s’exprimer. Que la première soit utile dans une phase transitoire d’explicitation collective de ce qui a été compris, cela s’entend, mais la seconde se construit par le biais d’activités de productions orales qui permettent l’expression de toutes et tous : explicitations, reformulations, descriptions, récapitulations, émission d’hypothèses, etc. Ces activités peuvent être menées individuellement et/ou à deux, par exemple, pour une démultiplication du temps de parole des élèves.
Il est également possible d’infléchir la fonction des questions pour les rendre favorables à l’expression de tous. L’on évitera, surtout en début d’étude de document, les questions qui vérifient (Who? When? Where? What?) ou les questions fermées auxquelles on répond par oui ou par non.
Il sera parfois plus efficace de donner la consigne de :
- repérer individuellement ;
- partager le fruit du repérage avec son voisin pour comparer et discuter ;
- partager avec le reste de la classe.
Il est également pertinent, lorsqu’une question est posée, de laisser un court moment de réflexion aux élèves pour éviter que les plus rapides ou les plus compétents coupent l’herbe sous le pied des autres en répondant en premier.
Ce qui importe dans cette démarche est moins de « trouver la bonne réponse » le plus vite possible que de développer des stratégies, de partager avec les autres afin de parvenir à une construction du sens dynamique et collective. Pour cela, l’on préfèrera les stimuli neutres (so? and? what if…?) ou les consignes divergentes (imagine…, suppose…, what do you think…?) qui font des activités de compréhension orales ou écrites des forums de discussion plutôt que des évaluations de compréhension.
Un apprentissage progressif
Il convient, bien sûr, de préparer les élèves à une telle approche très progressivement dès les premières années d’apprentissage d’une langue étrangère car tous les outils linguistiques nécessaires doivent être apportés par le professeur, petit à petit et cours après cours, pour rendre les élèves capables de commenter et de réagir, d’abord très simplement puis de façon plus élaborée et construite. La maîtrise de ces outils est un préalable à toute activité ambitieuse de groupes si l’on veut éviter le recours systématique au français comme langue de l’échange. Pour une efficacité accrue de ces apprentissages, les équipes de professeurs pourront élaborer en commun des progressions d’outils langagiers à acquérir au cours des différents cycles.
Par ailleurs, il convient de garder à l’esprit que, si le verbal pur (le sens littéral des mots) est bien au cœur des échanges entre êtres humains, le para-verbal ou vocal (rythme, timbre, volume, rapidité, force et mélodie de la voix) et le non verbal ou visuel (le langage du corps : respiration, position, gestes, micro-gestes) jouent un rôle très important. Être capable de s’exprimer à l’oral dépasse donc de très loin l’unique correction linguistique des énoncés produits. Cela remet en perspective l’équilibre à rechercher, dans le travail de classe, entre travail de la grammaire, du lexique, de la phonétique et de la phonologie, des postures, de la projection de la voix, etc.
Dans la première partie de cet article, nous avons appelé à une pédagogie de l'oral. Dans la 3e partie, nous explorerons les bonnes pratiques pour sortir de l'approche frontale et développer la pédagogie de l'orale.
Auteur(s) :
Ruth Alimi est IA-IPR dans l'académie de Paris, et conseillère pédagogique de Speakeasy News.
Copyright(s) :
SpeedKingz/Shutterstock
> Bonnes pratiques pour développer les compétences orales chez les élèves
> Consolider les compétences orales des élèves
> Au-delà de la recherche du document parfait
> Tout doit venir des élèves… ou pas…
> Neurodidactique de l’anglais oral : mise en pratique
> Didactique ou neurodidactique de l’anglais oral ?
Tag(s) : "approche actionnelle" "approche communicative" "compétences" "compétences de l'oral" "oral expression"